La fable de la grenouille : Une leçon d’humilité et de priorisation
Dans La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf de Jean de La Fontaine, une grenouille, fascinée par la taille d’un bœuf, décide de gonfler son corps pour l’égaler. Malgré ses efforts, elle finit par éclater, victime de son ambition démesurée. La morale est limpide : viser trop haut, trop vite, sans tenir compte de ses capacités réelles, mène à la catastrophe.
Pour les startups, cette fable résonne comme un avertissement. Lorsqu’une jeune entreprise se lance à la conquête de marchés ou de clients trop ambitieux sans avoir consolidé ses bases, elle risque de s’épuiser et de compromettre sa survie. Comme la grenouille, elle doit apprendre à calibrer ses efforts et à prioriser ses objectifs.
Mon parcours : De l’épuisement au déblocage des ventes
En 2012-2013, alors que je m’occupais seule du développement commercial de l’entreprise de restauration collective que je dirigeais, je me suis jetée à corps perdu dans la vente grand compte en cycle long. Mon objectif ? Conquérir le top 10 de mes concurrents directs, des mastodontes comme Elior, Sodexo ou Compass. Sans équipe pour m’épauler au départ, je concentrais toute mon énergie à chasser ces géants, persuadée que c’était la clé de la légitimité.
Après un an d’efforts acharnés, le bilan était cruel : aucun contrat signé. Je me retrouvais souvent classée 2ème sur 7 dans les appels d’offres, – assez près pour espérer, mais assez loin pour devoir attendre trois ans avant de retenter ma chance. L’épuisement physique et moral était total, et je me suis vraiment posée la question de ma propre compétence commerciale et de ma capacité entrepreneuriale.
Un jour, une conversation avec un concurrent respecté a tout changé. « Tu te bats contre des murailles imprenables », m’a-t-il dit. « Les grands groupes verrouillent ces clients avec des équipes entières. Regarde plutôt les comptes intermédiaires, ceux qu’ils négligent. » Ce fut une révélation. J’ai pivoté, réorienté ma stratégie vers ces clients plus accessibles, mais tout de même à 250 000 – 300 000 euros de CA annuel. En quelques mois, j’ai signé mes premiers contrats. Ces victoires modestes ont construit ma crédibilité, et deux ans plus tard, cette réputation m’a ouvert les portes des grands comptes que je visais au départ.
Ce que j’ai appris :
Mon expérience fait écho à une statistique alarmante : selon Startup Genome, 70 % des startups échouent parce qu’elles cherchent à scaler trop vite, sans avoir validé leur marché ou leur modèle économique. Comme la grenouille de la fable, j’avais surestimé mes capacités et les ressources de mon entreprise, une PME. Issue initialement de grands groupe « leader » de leur marché, cette situation était inédite pour moi.
Pour les entrepreneurs, plusieurs leçons se dégagent :
- Prioriser les efforts : En temps de crise, les ressources sont limitées. Il est vital et urgent de les allouer là où elles peuvent générer des résultats rapides et tangibles, même si cela signifie temporiser ses ambitions initiales.
- Être flexible et ouvert aux conseils extérieurs : Mon changement de stratégie a été déclenché par un conseil d’un concurrent. Les entrepreneurs doivent rester à l’écoute des retours du marché et des pairs. Comme le dit Xavier Niel, fondateur de Free et Station F : « Si ça ne marche pas, changez de cap, vite. »
- Construire progressivement sa réputation : Les signatures auprès des comptes intermédiaires m’ont permis de gagner en crédibilité.
- Garder un œil sur les objectifs à long terme : Même en me concentrant sur des gains à court terme, je n’ai pas perdu de vue mes ambitions initiales. Les succès modestes ont servi de tremplin vers les grands comptes.
L’importance de la flexibilité stratégique
Les données confirment l’importance de la flexibilité et de la priorisation en temps de crise. Une étude de CB Insights montre que 42 % des startups échouent parce qu’elles n’ont pas su répondre à un besoin réel du marché, souvent par manque d’adaptation.
Sébastien Couasnon, une figure de la scène tech, ajoute : « En période difficile, il faut savoir cibler les batailles qu’on peut gagner rapidement. » Cette idée de priorisation est fondamentale pour les startups, qui doivent souvent faire des choix drastiques pour survivre.
Enfin, Xavier Niel, dans sa vision pragmatique de l’entrepreneuriat, rappelle : « Dans une startup, chaque obstacle est une chance de pivoter. Si ça ne marche pas, changez de cap sans attendre. » Cette capacité à pivoter rapidement est souvent ce qui sépare les startups qui survivent de celles qui échouent.
Conclusion :
Les crises sont inévitables dans la vie d’une startup, mais elles ne sont pas insurmontables.
Comme l’a dit Winston Churchill, « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité ; un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. »
La fin de l’histoire, la voici : Nous avons gagné des batailles contre les mastodontes, mais nous savions que nous ne gagnerions pas la guerre à terme. Nous avons donc délibérément choisi de nous retirer de cette industrie saturée par la concurrence sanguinaire que l’on retrouve dans des industries « océan rouge » deux ans avant la crise du Covid avec une happy end à l’issue de la cession de l’entreprise à une ETI de restauration qui souhaitait s’implanter en région Rhône-Alpes.