L’inbound s’essouffle, l’IA bouleverse le jeu : 89 % des réponses IA viennent de sites hors  SEO Top 10

Acquisition client : le modèle allbound comme réponse aux signaux faibles

Depuis ce printemps 2025, les entrepreneurs dans l’écosystème me partagent leur constat : la prospection inbound, qui a longtemps été le pilier de l’acquisition client pour de nombreuses startups – parfois à hauteur de 80 % de leur chiffre d’affaires –, ne suffit plus à elle seule à garantir une croissance soutenue. Que ce soit dans le conseil, l’événementiel ou la medtech, les entrepreneurs que je côtoie expriment leur inquiétude  face à la baisse de la demande entrante, à l’intensité concurrentielle accrue et aux aléas d’une conjoncture économique incertaine. Ce constat reflète une évolution des dynamiques de marché et des comportements d’achat, qui oblige à repenser les approches traditionnelles.

Issue d’une culture résolument outbound – à une époque, le début des années 2000, où l’inbound n’existait pas encore et où les premiers CRM balbutiaient –, j’ai moi-même évolué vers une appréciation des vertus de l’inbound au fil des ans. Cependant, l’expérience m’a enseigné que l’hybridation intelligente des deux approches pouvait faire exploser les ventes, les deux approches s’enrichissant l’une de l’autre : une stratégie allbound, qui combine le meilleur des mondes entrant et sortant. Avec les entrepreneurs que j’accompagne, nous travaillons précisément à optimiser cette synergie, en tenant compte des ressources spécifiques de chaque entreprise – qu’il s’agisse de moyens humains, financiers ou technologiques.

J’analyse dans cet article les raisons structurelles de ce basculement et les limites de l’inbound dans le contexte actuel afin de démontrer comment une stratégie outbound bien calibrée, intégrée dans une approche allbound, peut redynamiser le développement des startups en 2025.

Les limites de l’inbound marketing en 2025 : un modèle sous tension

Saturation des canaux et imprévisibilité 

L’inbound marketing organique consiste à attirer les prospects vers soi grâce à du contenu de valeur – blogs, référencement SEO, réseaux sociaux –, plutôt que de les solliciter de manière proactive. Cette approche a fait ses preuves, notamment pour les startups en quête de visibilité sans disposer de budgets de prospection conséquents. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les leads générés organiquement coûtent en moyenne 61 % moins cher que ceux issus du marketing traditionnel, tandis que les entreprises axées sur l’inbound affichent un retour sur investissement supérieur de 25 % par rapport à celles qui misent uniquement sur l’outbound. Pourtant, ce modèle, autrefois révolutionnaire, montre aujourd’hui des signes d’essoufflement structurel.

D’une part, la saturation des canaux digitaux – où les prospects B2B, submergés de contenus et de sollicitations, peinent à identifier les offres pertinentes – rend l’acquisition de leads entrants de plus en plus aléatoire. Même les contenus de haute qualité, optimisés pour le SEO, ne garantissent plus une visibilité suffisante dans un environnement où les algorithmes évoluent constamment et où la concurrence s’intensifie. D’autre part, l’inbound est par nature réactif : il capte la demande préexistante, mais ne crée pas de nouvelles opportunités de manière proactive. Cette dynamique engendre une imprévisibilité croissante des volumes de leads, rendant la planification stratégique et l’estimation du chiffre d’affaires instables – un handicap majeur pour des startups qui doivent démontrer leur viabilité aux investisseurs.

Évolution des attentes et conjoncture économique

Les comportements d’achat en B2B ont également évolué, complexifiant davantage le recours exclusif à l’inbound. Si près de 70 % des prospects effectuent leur parcours d’achat en quasi-autonomie avant tout contact humain, ils n’en attendent pas moins une démarche proactive de la part des fournisseurs. Une étude récente révèle que 81 % des acheteurs B2B apprécient d’être contactés par des vendeurs durant leur phase de recherche, à condition que l’approche soit pertinente. Autrement dit, la documentation en ligne, si riche soit-elle, ne suffit plus ; les décideurs recherchent un accompagnement personnalisé et une interaction humaine pour valider leurs choix – une attente que l’inbound, par sa passivité, ne peut pleinement satisfaire.

À cela s’ajoute un contexte économique incertain en 2025, caractérisé par un ralentissement de la demande et une dépendance accrue aux subventions, qui fragilise les startups reposant exclusivement sur l’inbound.

Cette vulnérabilité impose aux entreprises de diversifier leurs canaux d’acquisition, sous peine de se retrouver à la merci des fluctuations du marché – une situation intenable pour des structures dont la survie dépend de leur capacité à générer des revenus prévisibles.

L’influence de l’IA générative sur les recherches B2B (2024-2025)

 

L’émergence des IA génératives (ChatGPT, Bard/Gemini, Claude, etc.) change profondément la façon dont les internautes recherchent de l’information. Les utilisateurs peuvent poser des questions complexes en langage naturel à un agent conversationnel plutôt que d’effectuer une recherche par mots-clés sur Google. Cette mutation est déjà mesurable : en 2024-25, ChatGPT a traité environ 37,5 millions de requêtes par jour contre 14 milliards pour Google. Par ailleurs, ChatGPT devient un canal de référencement en croissance rapide : les domaines recevant du trafic référent de ChatGPT sont passés de <10 000 en juillet 2024 à >30 000 en novembre 2024. Cette progression indique que l’IA génère désormais du trafic vers un éventail de sites beaucoup plus large qu’auparavant.

Impacts sur le trafic organique et l’inbound marketing

Les comportements de recherche influencent directement le trafic organique et la génération de leads B2B. Des experts en stratégie digitale comme Jean-Philippe Timsit soulignent un risque de baisse importante de trafic depuis Google. Pour l’inbound marketing, ceci remet en question la prévisibilité des canaux : une partie croissante d’informations est directement fournie par l’IA sans clic, rendant difficile la mesure de l’engagement et la capture de leads.

D’autre part, la structuration et la sélection des sources par l’IA diffèrent du référencement traditionnel.

89% des réponses d’IA génératives citent des pages hors du top 10 SEO (Mars 2025). Cela signifie que la majorité des informations que fournissent ChatGPT et ses concurrents ne proviennent pas des sites les mieux classés sur Google, mais de sites plus discrets. C’est à la fois une menace et une opportunité. D’un côté, cela affaiblit le rôle du SEO classique (le classement top10 devient moins synonyme de visibilité IA) et rend l’attribution de trafic moins prévisible. Les parcours inbound basés sur la recherche organique risquent de s’essoufler. De l’autre, les sites de niche ou experts – même mal classés en SEO – peuvent gagner en visibilité via les IA, car leurs contenus spécialisés sont désormais « piochés » plus fréquemment. Par exemple, un blog technique pointu sur une solution B2B pourrait se voir cité dans une réponse IA même s’il n’est pas en page 1 Google, offrant ainsi de nouveaux leads potentiels.

Le renouveau de l’outbound : une réponse possible face à ce constat, actionnable sur du court terme

Contrôle du pipeline et ciblage affiné

Une des voies possible et actionnable pour faire face à ces constats, l’outbound marketing  retrouve ses lettres de noblesse en 2025. Contrairement à l’inbound, qui adopte une posture d’attente, l’outbound permet de prendre l’initiative en allant directement à la rencontre des prospects ciblés, via des canaux comme le cold calling, l’emailing ou LinkedIn. Cette approche proactive offre des avantages décisifs. Premièrement, elle donne aux startups un contrôle direct sur leur pipeline commercial : une campagne outbound bien conçue peut générer des opportunités en quelques jours, indépendamment des aléas des algorithmes ou de la viralité des contenus.

Deuxièmement, l’outbound autorise un ciblage d’une précision inégalée. Plutôt que de s’en remettre à des visiteurs anonymes, les startups peuvent identifier et approcher les entreprises, secteurs ou décideurs correspondant à leur profil client idéal (ICP). Cette focalisation optimise l’efficacité commerciale en concentrant les efforts sur les prospects les plus prometteurs et en réduisant la durée du cycle de vente. Enfin, la prospection outbound offre un retour immédiat sur l’adéquation de l’offre et du discours commercial : chaque interaction – qu’elle aboutisse à un refus ou à un rendez-vous – devient une donnée exploitable pour affiner la stratégie, un avantage que l’inbound, avec ses métriques différées, ne peut égaler.

Une approche modernisée, axée sur la valeur

Il est essentiel de dissiper un malentendu : l’outbound de 2025 n’a plus rien à voir avec les méthodes agressives d’antan. La prospection directe d’aujourd’hui repose sur la personnalisation, l’apport de valeur dès le premier contact et une posture consultative. Les équipes outbound les plus performantes s’inspirent des principes de l’inbound – être utile, éduquer, résoudre des problèmes – pour maximiser leur impact. Par exemple, un Sales Development Representative (SDR) qui approche un prospect à froid aura un effet bien plus marqué en lui proposant un insight sectoriel pertinent ou une invitation à un événement exclusif, plutôt qu’en se limitant à un pitch générique.

Cette évolution est d’autant plus actuelle que les décideurs, sursollicités, ne répondent qu’aux messages qui leur apportent une réelle valeur ajoutée. L’outbound moderne se positionne ainsi comme une stratégie de précision, qui exige une connaissance fine des prospects et une capacité à engager des conversations pertinentes – une compétence devenue indispensable dans un marché saturé de sollicitations.

L’émergence de l’allbound : une hybridation gagnante

Synergie entre inbound et outbound

Nul besoin d’opposer inbound et outbound, les startups les plus performantes en 2025 adoptent une stratégie allbound, qui conjugue les forces des deux approches. L’inbound conserve un rôle clé en alimentant le haut de l’entonnoir avec des prospects qualifiés et en renforçant la crédibilité de la marque sur le long terme – un atout précieux pour établir une présence durable. Cependant, il est complété par une posture outbound structurée, qui permet de convertir plus rapidement les opportunités et de pénétrer de nouveaux segments de marché.

Concrètement, cette hybridation se traduit par plusieurs leviers opérationnels :

  • Structuration d’une équipe dédiée : Si le dirigeant doit au préalable cracker le process de vente, prospecter, le recrutement des SDR ou des commerciaux juniors devient essentiel pour scaler l’effort outbound.
  • Alignement marketing et ventes : Le marketing produit du contenu attractif pour l’inbound, que les équipes commerciales réutilisent comme « munitions » dans leurs démarches outbound – un livre blanc ou un webinar devient ainsi un outil de prospection ciblée.
  • Qualification rigoureuse des leads : Un système de scoring permet de prioriser les prospects à fort potentiel, qu’ils proviennent de l’inbound ou de l’outbound, évitant la dispersion des ressources.

Études de cas : Payfit et Echo Voyage

Payfit a d’abord misé entièrement sur une stratégie outbound, structurant une équipe dédiée qui ciblait les PME avec des campagnes de cold calling et rendez-vous sur le terrain. Par la suite, pour équilibrer leur approche commerciale à un modèle 50-50, ils ont développé une stratégie inbound basée sur des contenus éducatifs autour de la gestion de la paie, soutenant ainsi leur croissance.

Pendant longtemps, Ludovic, fondateur d’Echo Voyage, a concentré ses efforts sur l’inbound — générant 80 % de son chiffre d’affaires sans action commerciale directe. Mais face à la baisse progressive des conversions depuis le printemps 2025, il a choisi d’agir plutôt que d’attendre.

Je l’alertais depuis plusieurs mois : l’inbound seul ne suffit plus. En combinant le meilleur des deux approches, Ludovic a repris la main sur son développement, posé les premières briques d’un process scalable — et préparé, en connaissance de cause, la structuration de son équipe. En moins de deux mois il a obtenu des résultats plus qu’encourageants : un taux de conversion de 45 % soit quasiment un devis sur deux de signé grâce à la prospection commerciale, et l’identification parmi ses cibles des profils d’interlocuteurs avec lesquels il signe le plus facilement.

Conclusion :

En 2025, la question n’est plus de trancher entre inbound et outbound, mais de trouver l’alchimie qui unit la création de valeur (via l’inbound) et la prise d’initiative (via l’outbound). Les startups qui sauront cultiver cette synergie – en alignant leurs équipes marketing et commerciales, en qualifiant rigoureusement leurs leads et en mesurant en continu l’efficacité de leurs canaux – seront celles qui se démarqueront dans un environnement concurrentiel exacerbé.

Adopter une stratégie allbound implique de sortir de la zone de confort de l’inbound pur, un challenge qui exige des ressources, une organisation rigoureuse et une culture d’expérimentation permanente. Mais c’est aussi une opportunité : celle de reprendre le contrôle de son acquisition client, de diversifier ses sources de revenus et de bâtir une croissance mieux maîtrisée.

Quant aux enjeux IA, les équipes marketing et content devront songer à diversifier leurs approches afin de renforcer la présence sur d’autres canaux indépendants de l’algorithme. En complément de l’inbound, les stratégies outbound peuvent compenser la diminution du trafic organique.

Enfin, gardez à l’esprit la primauté du contenu de valeur : l’IA ne remplace pas l’autorité humaine. Un contenu à forte valeur ajoutée reste indispensable pour se différencier et convaincre. L’optimisation IA-friendly, l’expertise humaine, et les canaux multiples permettront aux entreprises de saisir cette évolution en avantage compétitif.