Exclusif : Insights VC avec Jean de La Rochebrochard de Kima Ventures !

30 Minutes chrono d’insight VC avec Jean de la Rochebrochard de Kima Ventures

 

1. TAM vs ambition : comment penser l’ampleur du marché ?

Jean commence par distinguer deux dimensions souvent confondues : le TAM (Total Addressable Market) et l’ambition entrepreneuriale. Selon lui, il est parfaitement légitime de démarrer sur une niche pour rechercher un product-market fit, mais cette approche doit être décorrélée de la vision à long terme. Il insiste sur le fait qu’« au début, tu dois convaincre une petite communauté qui adore ce que tu fais – pas juste des gens qui aiment bien ton produit ».

Pour autant, ce focus initial ne doit jamais brider l’ambition globale. Il cherche des fondateurs capables de se projeter massivement, quitte à dépasser les barrières mentales, culturelles ou géographiques. Il rejoint ainsi la position de Martin Mignot (Index Ventures), qui affirme qu’il vaut mieux « viser le monde » dès l’origine, plutôt que de monter progressivement en complexité : structurer dès le départ pour l’international permet une exécution plus fluide ensuite.

Clé de lecture : Jean évalue moins la taille actuelle du marché que la capacité du fondateur à formuler une ambition démesurée et crédible, en assumant les conditions structurelles de l’hyper-croissance.

 

 2. Critère humain et personnalités difficiles : tolérance contextuelle

L’appréciation de la personnalité des fondateurs varie selon le véhicule d’investissement mobilisé :

Sur les petits tickets (100–150k€) : Jean admet pouvoir financer des fondateurs perçus comme « arrogants » s’ils manifestent un talent exceptionnel. Il souligne que certaines qualités humaines ne se détectent qu’après l’investissement, et que certains profils désagréables peuvent néanmoins constituer des leaders efficaces.
Sur les tickets plus élevés (1–3M€): il applique un filtre humain beaucoup plus strict. Si la relation humaine est impossible, le deal devient non envisageable. « Je suis incapable de mettre 3M€ sur quelqu’un que je ne peux pas voir en photo. »

Lorsqu’on l’interroge sur la possibilité de « conseiller » un fondateur arrogant, il répond sans détour : « Les gens arrogants ne veulent pas de tes conseils. » Il refuse de se positionner comme mentor comportemental et préfère intervenir uniquement sur des éléments concrets ou opérationnels.

Clé de lecture : Jean se montre pragmatique sur les premiers tickets, mais assume une exigence forte sur l’alignement humain pour toute relation à fort engagement. L’humilité, sans être obligatoire, devient un atout au-delà du talent brut.

 

3. Primo-entrepreneurs, « démerde » et attitude : ce qui fait la différence

Jean affirme ne pas privilégier systématiquement les fondateurs expérimentés. Il finance volontiers des primo-entrepreneurs, même jeunes diplômés, à condition qu’ils fassent preuve de « démerde », de rapidité et d’attitude irréprochable.

Il distingue trois types d’attitudes qui révèlent le potentiel d’un fondateur :

Opérationnelle : efficacité, réactivité, concision.
Relationnelle : écoute, capacité à poser et à répondre aux questions, clarté dans les échanges.
Émotionnelle : finesse de perception, sens du lien, compréhension implicite des dynamiques d’équipe ou de client.

Selon lui, ces traits sont visibles dès les premiers échanges (mails, pitch deck, entretien). L’énergie, la rigueur et l’envie d’apprendre constituent des marqueurs puissants de compatibilité avec le rythme du capital-risque.

Clé de lecture : L’expérience compte, mais l’attitude prime. Jean investit sur la courbe d’apprentissage, à condition qu’elle soit rapide, incarnée et déjà visible dans l’exécution initiale.

 

4. Vision vs traction : quelle articulation au pitch initial ?

Jean insiste sur la nécessité de réunir deux éléments dans un pitch convaincant :

Une vision claire, incarnée, qui donne envie, au-delà des mots creux.
Des éléments tangibles qui viennent crédibiliser cette vision – données, prototypes, preuves de débrouillardise, signaux faibles de validation.

Il ne cherche pas nécessairement des KPI matures, mais veut des indicateurs de capacité à exécuter : avoir parlé à 50 clients, avoir construit un prototype sans financement, avoir lancé un side project générateur de cash.

Clé de lecture : le récit stratégique doit s’appuyer sur des preuves d’action. L’investisseur cherche un fondateur capable d’inspirer par sa vision mais aussi de prouver sa résilience par les faits.

 

5. Valeurs incarnées : l’exemple de l’efficacité chez Kima

Jean affirme que les valeurs n’ont de sens que si elles sont défendues lorsqu’elles coûtent. Il cite l’exemple de la valeur d’efficacité chez Kima, qui l’a conduit à se séparer de collaborateurs talentueux mais inefficaces à ses yeux : « même si ça ne remet pas en cause leur valeur sur le marché, pour moi c’était un non. C’est viscéral. »

Il insiste également sur la nécessité de ne pas confondre efficacité et surmenage. Travailler dur, selon lui, ne signifie pas s’épuiser, mais produire de la valeur tangible avec concentration, sans dispersion.

Clé de lecture : les valeurs opérationnelles priment sur les valeurs décoratives. Jean applique sans concession une culture de la rigueur productive.

 

6. Exposition publique et critiques violentes : posture intérieure

Interrogé sur un épisode récent de violence sur les réseaux sociaux à son encontre sur LinkedIn, Jean explique sa méthode de protection psychologique. Il rappelle que l’exposition publique implique nécessairement une confrontation à la critique, parfois injuste.

Sa stratégie repose sur trois piliers :

 Se construire une estime de soi autonome, non dépendante du regard des autres.
 Se concentrer sur la valeur réelle qu’il apporte : « je sais que je suis bon dans mon métier. Je sais que je donne de la valeur en peu de temps aux entrepreneurs. »

Clé de lecture : la solidité intérieure et la clarté du rôle protègent des effets déstabilisants de l’exposition médiatique.

 

7. Rituels personnels et humanisation du rôle d’investisseur

Jean évoque avec humour son récent défi personnel de 100 pitchs en une journée. Il relativise l’effort en le comparant à une épreuve sportive : « pour moi, c’est une compétition, il n’y a pas d’autre option que de faire le job. » Il assume une discipline personnelle forte, mais revendique aussi des instants plus légers (cheat meal, logistique d’hôtel) pour rappeler son humanité.

Cette posture – entre exigence de fond et accessibilité dans la forme – constitue une forme de stratégie relationnelle implicite : l’investisseur n’est pas une entité abstraite, mais un professionnel incarné, rigoureux et accessible.

Clé de lecture : Jean construit une relation de confiance avec les fondateurs par la clarté, la simplicité et la constance dans l’engagement – sans fétichiser l’autorité.

 

 8. Ouverture aux signaux faibles et connexions informelles

L’entretien se clôt sur une proposition de mise en relation d’entrepreneurs prometteurs, en particulier dans des secteurs inattendus comme la silver economy. Jean se montre pleinement ouvert à recevoir des signaux de terrain, via des personnes de confiance : « dès que tu vois quelqu’un d’un peu talentueux, je suis preneur. »

Il rappelle que son rôle est aussi de trier l’information, et que toute introduction claire et concise est la bienvenue – sous forme de deck ou d’e-mail de présentation.

Clé de lecture : la capacité à filtrer et interpréter des signaux faibles repose sur un réseau qualifié et une posture d’écoute active, même dans un univers à très fort volume d’interactions.

 

Conclusion :

Jean de La Rochebrochard incarne une vision du capital-risque alignée sur la rigueur, la lucidité et l’intensité. Son approche repose sur la détection d’attitudes plus que de promesses, sur la capacité à agir avant de convaincre, et sur un équilibre subtil entre exigence humaine et efficacité stratégique.

Il offre aux fondateurs une grille de lecture exigeante mais accessible pour construire des projets alignés avec les dynamiques du VC, sans verser ni dans le mythe de la scalabilité, ni dans la survalorisation des indicateurs de surface. Merci Jean 🙂